III.2.2) Les Œuvres de la béance et l’ultime révolte du détachement

III.2.2) Les Œuvres de la béance et l’ultime révolte du détachement

 

Euripide vint et plaça le destin de l’homme dans l’homme même. Il détermina les mobiles des actes. Le premier, il montra tout l’intérêt du travail de la vie, toute la beauté de ces maladies de l’âme, plus chères mille fois et plus précieuses que la santé, je veux dire les passions.”, Anatole France, Vie Littéraire, tome II, p.141.

 

A l’opposé des œuvres que nous avons désignées comme œuvres de l’effondrement, nous allons maintenant situer les œuvres de la béance, ou, en d’autres termes, celles dans lesquelles l’expérience du cœur des choses métamorphose radicalement le monde et les héros franciens jusqu’à la libération ultime de toute réclusion. Les œuvres de la béance[1] sont celles où la quête initiatique du Désir est menée jusqu’au bout.

Elles sont relativement peu nombreuses, et si nous reprenions la métaphore du miroir que nous avons utilisée précédemment, nous dirions qu’elles constituent une assertion à travers le miroir, en y ménageant une faille béante et fondamentale.

Ces œuvres participent initialement des mêmes lois que les œuvres de l’effondrement. Les héros commencent reclus par absolue nécessité. Cette réclusion détermine la révolte nécessaire à l’inauguration de toute quête du Désir, c’est-à-dire finalement la quête de la béance.

La béance est l’ouverture du monde permettant au héros d’assumer son Désir dans la plus profonde et ontologique des libertés, gardant inscrite en son sein la trace – ou disons le sceau – de la fusion avec le cœur des choses. Dès lors, à la différence fondamentale des œuvres de l’effondrement, les œuvres de la béance ne s’achèvent pas sur des mondes effondrés. Les héros, ayant connu et assumé le logos, sont libérés du temps et de l’espace, leur quête les a radicalement transformés. Ils ne regagnent pas leur état de réclusion originelle et leur existence a pris un sens nouveau. La béance francienne est le but ultime de l’érotogenèse, mais celle-ci est excessivement difficile à atteindre, comme le prouve la rareté des héros qui y arrivent réellement. Ceci serait-il l’indice du pessimisme de notre auteur ?

Appuyons-nous tout d’abord sur « La Fille de Lilith[2] ». Lorsque Ary possède Leila l’immortelle[3], cette allégorie pansexualiste du Désir, il fusionne avec le cœur des choses : il transcende la mort, le temps d’une parenthèse, en s’unissant avec l’immortelle et il fusionne dans le même temps avec les principes mêmes du monde : le temps du logos, il est le monde :

“Heure sans nom ![4] Je pressai Leila renversée dans mes bras. Et il me sembla que, tous deux emportés ensemble en plein ciel, nous le remplissions tout entier[5]. Je me sentis devenir l’égal de Dieu, et je crus posséder en mon sein toute la beauté du monde et toutes les harmonies de la nature, les étoiles et les fleurs, et les forêts qui chantent, et les fleuves, et les mers profondes. J’avais mis l’infini dans un baiser[6].”

Ce sont tous les traits caractéristiques du logos[7] : le monde est mis entre parenthèses, il est en infinie expansion et le héros qui connaît ce mode d’être fusionne avec le monde, devient le monde, semblable à Dieu au travers d’un fantastique renversement du dehors et du dedans.

Ary reste ontologiquement métamorphosé, y compris lorsque la parenthèse du logos est refermée. Il le prétend lui-même : Leila “avait répandu dans mon être tous les poisons de la volupté[8].” Malgré cela, le monde est d’une tristesse sans bornes. Mais est-il véritablement effondré sur lui-même ?

“La plaine, dont les plis s’élèvent et s’abaissent tour à tour des deux côtés de la route et que j’avais vue jadis riante au grand soleil, était maintenant couverte d’un voile épais de neige sur laquelle se tordaient les pieds noirs des vignes. […] Nous allions, enveloppés d’un silence infini que déchirait par intervalles le cri plaintif d’un oiseau. [J’étais] triste jusqu’à la mort[9]”.

Visiblement, le monde décrit – toujours sur un mode réflexif, d’après le regard d’Ary lui-même – est tout à fait géométrique, son horizontalité ne fait pas de doute : même triste, il est ouvert. Il est voilé par la neige, c’est-à-dire par une blancheur immaculée qui ne laisse guère de doute quant à sa substance nouvelle, inédite.

L’épisode du logos a bien occasionné un changement ontologique dans l’intériorité d’Ary. La tristesse de ce dernier provient de la frustration : amoureux fou de Leila, notre héros souffre de ne pas être aimé en retour :

“Je ne pouvais me passer d’elle, et je tremblais de la perdre. Leila était absolument dénuée de ce que nous appelons le sens moral. Il ne faut pas croire pour cela qu’elle se montrât méchante ou cruelle. Elle était, au contraire, douce et pleine de pitié. Elle n’était pas non plus inintelligente, mais son intelligence n’était pas de même nature que la nôtre. […] Elle ne savait rien de ce que nous savons. Par contre, elle savait beaucoup de choses que nous ignorons[10].”

En effet, comment Ary pourrait-il posséder une semi-divinité féminoïde[11] qui participe, par sa substance même, des principes pansexualistes de la nature ? D’autre part, nous savons que le logos n’a de raison d’être que dans une parenthèse. Le retour au temps et à la mort est donc rude, et il est symbolisé par la rupture nécessaire avec la femme amoureusement possédée. Il n’y a pas d’autre issue, c’est la condition sine qua non de la réussite de la quête érotogénétique. Ce paradoxe de l’érotogenèse est pourtant logique.

Ary fait un tragique amalgame entre le cœur des choses et l’incarnation de ses principes. Pour lui, ils sont confondus : Leila est le logos. C’est une erreur bien compréhensible : chez Anatole France, la quête du Désir ne peut avoir lieu qu’à travers le corps, puisque le Désir est inscrit dans la réalité charnelle de l’homme. C’est la raison pour laquelle nous assistons chez notre auteur à une sublimation du corps féminin entraînant une connexion profonde entre les femmes et le cœur des choses. Le principal écueil de ce lien réside donc dans la confusion que peut faire le héros entre ce corps féminin voluptueux et le principe même du monde qui lui a été révélé par le logos.

L’étape ultime de l’érotogenèse consiste en un détachement définitif d’avec l’aimée, pour ne garder en soi que les principes mêmes de la volupté, volupté sublime et désincarnée, libre et en essence, indice même d’une quête du Désir réussie. En d’autres termes, le héros francien assouvi est capable d’être détaché de l’objet de l’assouvissement, il se fond avec la volupté, le pansexualisme du monde fait partie intégrante de lui-même dans un syncrétisme qui dépassera désormais toutes les alternances à venir. Le point ultime de l’érotogenèse est ici : l’assomption du Désir dépasse le temps et l’espace, le héros francien est libre de désirer désormais. Il ne vit que par et pour le Désir assumé, il n’a plus d’autre morale ni d’autres règles.

N’est-ce pas à ce point de non-retour qu’est arrivé négativement, par le suicide, Chevalier dans Histoire comique ? Il est l’un des rares héros franciens à avoir mené sa quête du Désir vers l’assouvissement absolu, même si cet absolu signifie pour lui la béance dans la mort.

Ary illustre aussi la difficulté immense du détachement et de la renonciation : lorsque Leila le quitte, il est désespéré parce qu’il souffre en pensant être frustré jusqu’à la fin de ses jours : il croit retourner dans sa réclusion originelle, dans le manque obsédant, un peu à la manière d’un Jean Servien. Pourtant, le logos n’a de raisons d’être que dans la perspective d’une parenthèse, et il faut donc retourner ensuite à une autre alternance. C’est dans celle-ci que le héros ayant connu le cœur des choses risque d’être en proie à la frustration s’il persiste à confondre ce cœur des choses avec la femme qu’il a possédée :

“Six mois, elle se donna à moi[12] ; puis, un matin, elle m’annonça qu’elle retournerait en Perse et qu’elle ne me verrait plus. Je pleurai, je gémis, je m’écriai : « Vous ne m’avez jamais aimé ! » Et elle me répondit avec douceur : « Non, mon ami. Mais combien de femmes, qui ne vous ont pas aimé davantage, ne vous ont pas donné ce que vous avez reçu de moi ! Vous me devez encore de la reconnaissance. Adieu.»[13]

Ainsi, la fonction de Leila est très représentative de la femme francienne. Au-delà de la figure de semi-divinité féminoïde incarnant un principe pansexualiste, elle est la clef de la quête du Désir. Cette Leila est Thaïs, Thérèse Martin-Bellème, Jahel, Gabrielle T »’, etc… Elle est cette porte vers le cœur des choses qui a pour mission de se détacher du héros une fois que ce dernier aura vécu cette fusion absolue avec le monde.

D’ailleurs, jamais aucun héros francien ne finit ses jours avec la femme qui lui a révélé le cœur des choses. De Jacques Tournebroche à Dechartre, en passant par Ary ou par d’Esparvieu, tous ces héros finissent dans la solitude.

Leila n’est en rien le but ultime de la quête du Désir : elle est immortelle parce qu’elle porte en son sein le paradoxe d’être une « incarnation désincarnée ». Il faut nécessairement qu’elle possède un corps pour être l’objet d’une quête du Désir, mais elle est surtout l’émergence d’un principe éternel, elle ne peut être possédée par un humain – elle ne peut d’ailleurs aimer – elle est conçue par notre auteur comme parfaitement inhumaine, sans guère d’autre identité ni de fonction que celle consistant à s’effacer, une fois le cœur des choses divulgué. Elle symbolise à elle seule toutes les femmes franciennes.

L’érotisme francien[14] consistera donc vraisemblablement en la description de cette ambivalence de la femme, d’une part incarnation du Désir, et d’autre part désincarnation du cœur des choses, avec la promesse de disparaître une fois le logos divulgué[15]. L’érotisme francien n’est qu’un épiphénomène – pourtant nécessaire – de la quête du Désir.

La femme francienne porte en elle-même l’ambivalence de la présence et de l’absence et c’est cette fugacité qui dirige toute sa volupté[16]. Elle porte en elle-même la rupture et le détachement, comme une douloureuse promesse de la liberté et de la béance. Le héros francien, lorsqu’il se trouve face à une femme, pressent avant tout l’appréhension profonde du détachement définitif de l’objet de son Désir. Il pressent la béance, ce qui rend sa quête douloureuse. Il est facile de posséder une femme dans la littérature francienne, autant qu’il est difficile d’atteindre par elle le cœur des choses, car le logos nécessite pour être durablement fructifié une rupture ontologique. En d’autres termes, le héros francien dépasse à jamais toute réclusion lorsqu’il accepte sa solitude ontologique et s’il assume que la volupté du monde soit une partie intégrante de lui-même. C’est ici la trace du cœur des choses qu’il portera avec lui jusqu’à la mort.

Le héros francien a donc le choix : une fois la parenthèse du logos refermée, ou bien il sera incapable de renoncer à jamais à l’objet du Désir, prenant celui-ci pour le but ultime de sa quête. Etre obsédé par le corps d’une femme revient à renoncer à jamais à la béance, c’est-à-dire à la liberté ultime. Notre héros finira dès lors dans l’effondrement ou pire, dans l’atroce et obsédante frustration. C’est ce qui arrive la plupart du temps aux héros de l’effondrement, ainsi qu’aux héros de l’échec, qui sont dans la littérature francienne de loin les plus nombreux.

Ou bien le héros francien intégrera cet objet du Désir dans sa quête globale – la femme ne sera qu’une étape de la quête – et il assumera donc la nécessité de s’en détacher. Il acceptera du même coup par ce renoncement de garder en son sein profond, jusqu’à sa mort, le sens de la volupté et l’assomption de son Désir. Le héros allant au bout de l’érotogenèse finit détaché et donc dans la plus ultime des libertés, ainsi que son Désir le plus profond le lui commandait originellement[17]. C’est peut-être ceci qui donnera un sens à son existence tout entière. Car enfin, cette liberté acquise par le logos est le plus absolu refus de la mort et du temps. Ceci ne va pas sans souffrance, mais semble être une nécessité inhérente au processus même de l’érotogenèse. Dans les œuvres qui mettront en scène la quête du Désir menée à son terme, le monde qui ne s’effondrera plus autour du héros en sera le meilleur indice.

Ainsi, en définitive, qui sont les héros, hormis Chevalier – et peut-être Ary, nous ne le saurons jamais – qui finissent par connaître cette liberté absolue ?

Thaïs, certes, symbolise cette montée vers la béance, vraisemblablement parce qu’elle l’incarne, ni plus ni moins. Elle n’est pas à proprement parler l’un de ces héros se trouvant face au choix du détachement ultime : il lui suffit de mourir pour se fondre à jamais aux principes qu’elle incarne. Comme Chevalier, c’est la mort qui offre l’ultime fusion avec le monde.

Cependant, plus représentatif est Dechartre[18]. Nous avons vu combien Thérèse Martin-Bellème est une femme voluptueuse[19]. Sa description même renferme toute l’ambivalence de l’érotisme francien, sa beauté et la beauté du monde ne font qu’un dans un pansexualisme révélateur annonçant pourtant la rupture à venir :

“Comme au jour de son arrivée, Thérèse s’accouda à la balustrade de la terrasse et chercha, dans le lointain, au fond de la mer de lumière, les cimes de Vallombrose[20], presque aussi fluides que le ciel[21]. Jacques Dechartre la regardait. Il croyait la voir pour la première fois, tant il découvrait de délicatesse sur ce visage, où le travail de la vie et de l’âme avait mis des profondeurs sans en altérer la grâce jeune et fraîche. La lumière, qu’elle aimait, lui était indulgente[22]. Et, vraiment, elle était jolie, baignée dans ce jour léger de Florence, qui caresse les belles formes et nourrit les nobles pensées. Un rose lui montait à ses joues bien arrondies. Ses prunelles d’un gris bleuissant, riaient ; et, quand elle parlait, l’éclair de ses dents avait une douceur ardente. Il la prit d’un regard qui embrassait le buste souple, les hanches pleines et la cambrure hardie de la taille[23].”

Le monde est architecturé de manière géométrique, les thèmes de la courbe et de la lumière sont omniprésents, se répercutant de l’univers des collines et de la mer au corps même de Thérèse par une subtile mise en abyme. Nous ne sommes pas dans un univers de réclusion, d’inertie ou d’effondrement, tout au contraire. La béance est souvent représentée par Anatole France par ces deux thèmes connexes, et par un jeu de mises en abyme dépeignant les femmes comme une émanation du monde invitant à fusionner avec le cœur des choses. Pensons à Thaïs[24], à Balkis[25], à Annie Morgan[26], à Leila[27], à Jahel[28], à Elodie Blaise[29], ou encore à Gilberte des Aubels[30]. La liste n’est certes pas exhaustive. Cependant, les destins de chacun des amants de ces nombreuses femmes ne porte pas souvent vers l’assouvissement du Désir au-delà de la parenthèse du logos[31]. Ce n’est pourtant pas le cas de Dechartre.

Ce dernier est pour Thérèse l’incarnation de sa complémentarité. Dans cette perspective, l’un est un miroir pour l’autre[32]. Or, des crises se succèdent avant d’arriver jusqu’au cœur des choses. Néanmoins, la conscience de l’impossibilité d’une union absolue et surtout éternelle des deux amants taraude le couple, d’autant que Dechartre est d’un naturel jaloux et violent et qu’il n’accepte pas les liaisons antérieures de sa maîtresse. La rupture est en essence l’une des racines de la relation unissant Dechartre et Thérèse, elle est annoncée depuis l’union – comme la mort est annoncée par la naissance – et cette situation aboutit à une éternelle justification de la part de Thérèse :

“Ecoutez-moi : du jour où je me suis donnée à vous, ma vie vous appartient tout entière. S’il vous vient un douter, une inquiétude, interrogez-moi. Le présent est à vous, et vous savez bien qu’il n’y a que vous, vous seul, toi dedans. Quant à mon passé, si vous saviez quel néant c’était, vous seriez content. Je ne pense pas qu’une autre femme, faite comme moi pour aimer, vous eût apporté une âme plus neuve d’amour que la mienne. Cela, je vous le jure[33].”

Ainsi, le processus d’érotogenèse de Dechartre prouve ici également que la femme n’est pas le but ultime de la quête du Désir. Elle n’est paradoxalement qu’une étape puique la possession absolue de l’objet de Désir ne peut être en aucun cas une femme[34], que cette possession absolue ne serait qu’une fâcheuse utopie entraînant à coup sûr la frustration et l’obsession. Dechartre est à l’opposé de Jean Servien, il en est le héros antithétique :

“Il n’y a pas dans le sang, dans la chair d’une femme, cette fureur absurde[35] et généreuse de possession, cet antique instinct dont l’homme s’est fait un droit. L’homme est le dieu qui veut sa créature tout entière. […] Je suis le chimiste qui, étudiant les propriétés de l’acide qu’il a avalé, sait avec quelles bases il se combine et quels sels il forme. Cependant, l’acide le brûle et le brûlera jusqu’aux os[36].”

La quête du Désir demande une seconde et ultime révolte. Chevalier[37] l’a menée en mettant fin à ses jours. Ary ne l’a pas encore consommée[38]. Balthasar l’a lui aussi mené, en renonçant à Balkis pour la science[39]. Dechartre en a pleinement conscience avant même d’accéder au logos :

“Vouloir une femme dans tout l’éclat de sa beauté et de son esprit, maîtresse d’elle-même, et qui sait, et qui ose, plus belle en cela et plus désirable, et dont le choix est libre, volontaire, instruit ; la désirer, l’aimer pour ce qu’elle est et souffrir de ce qu’elle n’a ni de candeur puérile, ni la pâle innocence qui choquerait en elle, s’il était possible de les y rencontrer ; lui demander à la fois qu’elle soit elle et qu’elle ne soit pas elle, l’adorer telle que la vie l’a faite et regretter amèrement que la vie qui l’a tant embellie, l’ait seulement touchée, oh ! c’est absurde[40].”

Cette conscience de la révolution de la béance annonce la fin du roman. Pourtant, paradoxalement, la parenthèse du logos n’en a que plus d’intensité. On remarquera ici encore le renversement du dedans et du dehors et la fusion de Dechartre – et de Thérèse – avec l’immortalité et le monde[41]. Pourtant, après ceci, Dechartre est triste : “Ne te fâche pas. Je souffre plus que jamais, parce que je sais maintenant ce que tu me donnes[42].” Lors de la rupture, Dechartre reprend ce motif :

“Je sais ce que vous donnez. On ne peut pas vous pardonner, à vous, ce qu’on pardonnerait à une autre. […] Il parlait la bouche serrée, les dents haineuses. Ses yeux, ces yeux qu’elle avait vus si grands, chargés de flammes douces, maintenant secs, durs, rétrécis entre les paupières plissées, lui jetaient un regard nouveau. Il lui fit peur. Elle alla se mettre au fond de la chambre, sur une chaise, et là, le cœur gros, les prunelles étonnées, comme un enfant, elle resta longtemps tremblante, étouffée de sanglots[43].”

La teneur du couple regard/Désir a changé. Il s’agit maintenant pour Dechartre d’assumer l’ultime révolte du Désir, celle du détachement et de la libération, celle qui permettra l’accès à la béance. Ceci entraîne beaucoup de souffrance. Toutefois, il ne s’agit pas selon nous d’une rupture par jalousie, comme si Dechartre ne pouvait voir son amante que souillée par ses aventures anciennes. Une telle lecture serait vraisemblablement par trop rapide. Lorsque Dechartre hurle à Thérèse : “Je ne vous vois plus seule. Je vois l’autre avec vous, toujours[44].”, il ne quitte pas Thérèse sur un coup de tête, pris dans un élan de jalousie primaire et animale, mais au contraire, il a conscience depuis longtemps que dans un couple, on se brise l’un contre l’autre, on ne se mêle pas. La quête du Désir ne peut se résumer à vouloir posséder entièrement l’Autre, ce qui réduirait l’Autre à l’état d’objet et l’anéantirait imperturbablement. Au contraire, au moment même de la rupture, le monde change de teneur, pour ne jamais plus retourner à une quelconque réclusion. Le dernier élan de Thérèse et de Dechartre est à ce titre sans ambiguïté :

“Dans l’ardeur de son amour déchiré[45], elle se jeta sur lui, l’enveloppa de baisers, de larmes, de cris, de morsures. Il oublia tout, la prit endolorie, brisée, heureuse, la pressa dans ses bras avec la rage morne du désir. Déjà, la tête renversée au bord de l’oreiller, elle souriait dans les larmes. Brusquement, il s’arracha d’elle[46].”

Cet arrachement constitue l’ultime révolte du Désir de Dechartre. Les thématiques du déchirement et de l’arrachement[47] préfigurent une dégéométrisation qui n’a rien à voir avec un nouvel effondrement du monde sur lui-même confinant Dechartre au retour à la réclusion originelle ou à une quelconque inertie. Au contraire, Dechartre finit libéré de Thérèse, libéré de sa jalousie, son Désir est libre et assouvi, préfigurant la béance dans laquelle il va vraisemblablement fondre.

La destinée de Thérèse est plus cruelle. Elle est un personnage de l’échec. Elle retourne dans sa réclusion originelle, alors que son Désir restera frustré à jamais. Son regard l’illustre dramatiquement :

“Elle le regarda, muette, indignée, désespérée. Elle se leva, ajusta sa robe et ses cheveux, avec un sentiment inconnu de honte[48]. Puis, sentant que tout était fini, elle promena autour d’elle le regard étonné de ses yeux qui ne voyaient plus, et sortit lentement[49].”

Aussi étrange que cela puisse paraître, la révolte de la béance n’est pas nécessairement atteinte par l’entremise de la femme (au sens sexualisé du terme) dans l’œuvre francienne. Sylvestre Bonnard en est le parfait exemple. Dans le deuxième épisode du Crime de Sylvestre Bonnard intitulé « Jeanne Alexandre », notre bon bibliophile atteint finalement une forme de logos lorsqu’il prend conscience que son Désir est réorienté par l’affection qu’il va porter à Jeanne Alexandre, petite-fille d’un amour de jeunesse déçu et depuis décédé. Lorsqu’il est en présence de l’enfant pour la première fois, il adresse cette prière muette à la défunte et son existence entière est réorientée. L’enfant représente le logos de Bonnard sans pour autant qu’il y ait ici la moindre once d’érotisme ; pour autant, l’image de la petite Jeanne est pour le savant comme une réminiscence pansexualiste de sa jeunesse qui resurgit avec violence :

“D’où vous êtes aujourd’hui, Clémentine, regardez ce cœur maintenant refroidi par l’âge, mais dont le sang bouillonna jadis pour vous, et dites s’il ne se ranime pas à la pensée d’aimer tout ce qui reste de vous sur la terre. Tout passe, puisque vous avez passé, vous et votre fille ; mais la vie est immortelle ; c’est elle qu’il faut aimer dans ses figures sans cesse renouvelées. J’étais avec mes livres comme l’enfant qui agite des osselets. Ma vie, en ses derniers jours, prend un sens, un intérêt, une raison d’être. Je suis grand-père. La petite fille de Clémentine est pauvre. Je ne veux pas qu’un autre que moi la pourvoie et la dot[50].”

Le logos de Bonnard est silencieux et modeste, mais il n’en est pas moins profond.

Quelle sera désormais la vie de Bonnard, à partir du moment où Jeanne lui dira : “Je suis heureuse[51].” ? Lorsque Henri Gélis et Jeanne se fianceront plus tard, Bonnard vendra sa bibliothèque pour assurer une dot à sa petite-fille : “La dot, la voilà ! C’est ma bibliothèque. Henri et Jeanne sont à mille lieues de s’en douter[52].” C’est dire combien la révolte de Sylvestre Bonnard est intense. Il renonce à la mission entière de son existence qui était de conserver des livres rares pour lesquels il avait sacrifié toute sa vie. Il sort dès lors de sa réclusion pour pénétrer à pieds joints dans la béance, pour l’amour de sa petite-fille. Il ne peut certes s’empêcher de voler sa pupille en subtilisant nuitamment quelques manuscrits trop chers à son cœur, et c’est là tout son crime :

“Je mettais à part, pour les garder toujours, les livres qui m’ont été donnés en souvenir. […] C’est horrible à dire : je volais la dot de Jeanne ! Et quand le crime était consommé, je me remettais à cataloguer vigoureusement[53].”

Le monde de Sylvestre Bonnard est désormais à l’inverse de la réclusion de la bibliothèque. Il est ouvert. Notre bibliophile est devenu naturaliste, il étudie les insectes tout en les cataloguant : nous pourrions dire que le renard perd le poil, pas le vice ! Pourtant, rien n’est moins sûr. Sa maison se situe à l’orée d’une forêt[54], dans un monde béant, c’est-à-dire restant à remplir. La mort de l’enfant de Jeanne et d’Henri – prénommé Sylvestre – est décrite par Anatole France avec une tristesse malgré tout sereine. L’enfant aimait que le vieillard lui contât L’Oiseau bleu[55], mais à l’heure de sa mort, il dit à son parrain : “ « Il ne faut plus me dire des histoires. » Non, il ne fallait plus lui dire des histoires ![56].” Ce petit bonhomme mourant, qui s’appelle lui aussi Sylvestre, nous le rappelons, est une mise en abyme de Sylvestre Bonnard. Sa mort est symbolique, elle représente la fin de la quête du Désir du bibliophile. Celui-ci a atteint son but, il est sorti de sa réclusion, il ne recherche plus le bonheur mensonger et illusoire de ses manuscrits, sortes d’Oiseaux bleus trompeurs masquant le non-sens de son existence. Une fois Jeanne et Henri heureux, malgré la perte de leur fils, Sylvestre n’a plus lieu d’être, son existence a un sens, il a atteint la béance avec douceur, après une révolte tranquille. Le déchirement et la séparation d’avec les livres n’ont pas été faciles, puisqu’ils ont occasionné un petit crime, mais ils ont eu lieu, et maintenant la vie se perpétue au travers d’Henri et de Jeanne qui connaissent l’amour. Une légère amertume teinte la fin du Crime de Sylvestre Bonnard, car désormais, notre héros n’a plus qu’à attendre la mort avec une pleine et entière sérénité : “Et nunc dimittis servum tuum, Domine[57].

 


[1] Voir glossaire.

[2] Voir Anatole France, « La Fille de Lilith », Balthasar, Pléiade, tome I, p.616 et sqq.

[3] Voir supra, I.3.2.b, p.217.

[4] Ici, la parenthèse du logos est explicite.

[5] Nous voyons bien ici la phase caractéristique d’expansion du monde, ainsi que la dégéométrisation du cosmos tout entier. Nous voyons également fort bien le syncrétisme ontologique d’Ary avec le monde.

[6] Anatole France, « La Fille de Lilith », ibid., p.624.

[7] Voir aussi supra, III.1.3.b, p.425.

[8] Anatole France, « La Fille de Lilith », ibid., p.625.

[9] Anatole France, « La Fille de Lilith », ibid., p.616.

[10] Anatole France, « La Fille de Lilith », ibid., p.625.

[11] Voir notre définition supra, II.3.3, p.335.

[12] Cette parenthèse temporelle de six mois est fondamentale, parce qu’elle prouve que nous sommes bien ici dans un système d’alternances.

[13] Anatole France, « La Fille de Lilith », ibid., p.626.

[14] L’une des définitions les plus satisfaisantes de l’érotisme est vraisemblablement celle proposée par Etiemble : “L’érotique a pour principe le jeu, et s’accomplit avec l’art de ne pas procréer. […] Quant à la vraie littérature érotique : celle qui enseigne l’amour, ou le célèbre en beauté, elle est incroyablement rare sur la planète. Outre quelques traités pieusement ou laïquement didactiques, elle compte un petit nombre de poèmes ou de proses dont, orthodoxes ou non, les pratiques, les sentiments ne sortent pas de l’ordinaire. La littérature érotique n’a donc rien à voir avec celle qui peuple les enfers de toutes les bibliothèques, et qui n’est qu’« érotique », c’est-à-dire cochonne, croustilleuse, crue, curieuse, égrillarde, émoustillante, galante, gauloise, graveleuse, grivoise, lascive, leste, libertine, libidineuse, libre, licencieuse, lubrique, luxurieuse, obscène, paillarde, polissonne, pornographique, rare, salace, satyrique, scatologique, tout ce que vous voudrez, tout, sauf érotique.”, Etiemble, « Erotisme (art et littérature) », Encyclopaedia Universalis, 8-649a.

[15] Nous ne reviendrons pas ici sur la description francienne de la femme. Nous pouvons illustrer nos dires en nous reportant supra, II.3.3.a, p.341, et II.3.3.b, p.353.

[16]Ah ! ce qui vit n’est que trop mystérieux. Et tu restes pour moi, ma bien-aimée, une énigme dont le sens inconnu contient les délices de la vie et les affres de la mort. Ne crains pas de te donner. Je te donnerai toujours, et je t’ignorerai toujours.”, Anatole France, Le Lys rouge, XXVI, Pléiade, tome II, p.501.

[17] Ary finit frustré, puisque la nouvelle prend fin dans l’alternance immédiate suivant la parenthèse du logos. Il reste obsédé par Leila, mais nous ne pouvons savoir s’il assumera ou non son détachement. Le seul indice que nous ayons réside dans la description du monde faite dans l’incipit, qui illustre un univers teinté de tristesse, certes, mais toutefois ouvert et non réclusif.

[18] Voir Anatole France, Le Lys rouge, Pléiade, tome II.

[19] Voir supra, II.3.3.a, p.341.

[20] Collines d’un millier de mètres d’altitude qui se trouvent dans la Toscane florentine.

[21] Le monde décrit est géométrique, il n’est en rien réclusif. Il est tout en courbe, trahissant ainsi par réflexivité son principe féminoïde décrit comme une émanation de Thérèse.

[22] Thérèse Martin-Bellème est bien l’une de ces femmes transcendantes qui possèdent une propension ontologique à révéler le cœur des choses.

[23] Anatole France, Le Lys rouge, ibid., p.425.

[24]Vois : je suis mystérieuse et belle. Aime-moi ; épuise dans mes bras l’amour qui te tourmente. Que te sers de me craindre ? Tu ne peux m’échapper : je suis la beauté de la femme. Tu retrouveras mon image dans l’éclat des fleurs et dans la grâce des palmiers, dans le vol des colombes, dans les bonds des gazelles, dans la fuite onduleuse des ruisseaux, dans les molles clartés de la lune, et, si tu fermes les yeux, tu la retrouveras en toi-même.”, in Thaïs, Pléiade, tome I, p.846.

[25]La reine de Saba les reçut dans une cour rafraîchie par des jets d’eau parfumés qui retombaient en perles avec un murmure clair. Debout dans une robe de pierreries, elle souriait.”, in Balthasar, Pléiade, tome I, p.588.

[26]Je me retournais et vis une merveilleuse créature coiffée d’un épervier d’or, qui révélait l’adorable et chaste jeunesse de son corps. Sur cette gaine, une légère tunique rose, serrée à la taille par une ceinture de pierreries, descendait en s’écartant et faisait des plis symétriques.”, in « M. Pigeonneau », Balthasar, ibid., p.611.

[27]Dans l’expression de ses yeux d’or qui jetaient par moment des gerbes d’étincelles, dans la courbe de sa bouche énigmatique, dans le tissu de sa chair à la fois brune et lumineuse, dans le jeu des lignes heurtées et pourtant harmonieuses de son corps, dans la légèreté aérienne de ses pas, jusque dans ses bras nus auxquelles des ailes invisibles semblaient attachées ; enfin dans tout son être ardent et fluide, je sentis je ne sais quoi d’étranger à la nature humaine.”, in « La Fille de Lilith », Balthasar, ibid., p.623.

[28]Une merveilleuse créature était debout devant moi, en robe de satin noir, coiffée de dentelle, brune avec des yeux bleus, les traits fermes dans une chair jeune et pure, les joues rondes et la bouche animée par un invisible baiser. Sa robe courte laissait voir des pieds petits, hardis, gais et spirituels. Elle se tenait droite, ronde, un peu ramassée dans sa perfection voluptueuse.”, in La Rôtisserie de la reine Pédauque, Pléiade, tome II, p.89.

[29]Brune, le teint olivâtre, sous le grand mouchoir blanc noué obligeamment autour de sa tête et d’où s’échappaient les boucles azurées de sa chevelure, ses yeux de feu charbonnaient leurs orbites. En son visage rond, aux pommettes saillantes, riant, un peu camus, agreste et voluptueux, le peintre retrouvait la tête du faune Borghèse. […] Un sein qui semblait gonflé de tendresse soulevait le fichu croisé à la mode de l’année. Sa taille souple, ses jambes agiles, tout son corps robuste se mouvaient avec des grâces sauvages et délicieuses. Son regard, son souffle, les frissons de sa chair, tout en elle demandait le cœur et promettait l’amour.”, in Les Dieux ont soif, Pléiade, tome IV, p.449.

[30]Elle était jeune ; il la trouva jolie, non sans raison. Gilberte avait été modelée par le Génie de l’Espèce, et nul autre génie ne s’était associé à cet ouvrage. Aussi tout en elle inspirait le désir, et rien, dans sa forme ni dans son essence, ne ramenait l’esprit à d’autres sentiments. La pensée qui fait graviter les mondes mut le jeune Maurice à s’approcher de cet être délicieux.”, in La Révolte des anges, Pléiade, tome IV, p.678.

[31] Comme nous l’avons dit, la plupart des héros franciens buttent contre la pierre d’achoppement de la renonciation, pour entrer soit dans une nouvelle réclusion Frustrante, soit dans une inertie fondamentale qui empêche d’atteindre la béance libératrice. Qu’on nous pardonne d’insister sur ce point, mais il nous semble très important.

[32] Voir Anatole France, Le Lys rouge, Pléiade, tome II, p.426 : “Dechartre était pour elle l’âme de ces formes magiques, l’esprit de ces nobles choses. C’est par lui, c’est en lui qu’elle comprenait l’art et la vie. Elle ne s’intéressait aux spectacles du monde qu’autant qu’il s’y intéressait lui-même.

[33] Anatole France, Le Lys rouge, ibid., p.486.

[34] Ce n’est pas le fait de posséder une femme qui permet d’abolir le temps et la mort et qui offre un sens à l’existence du héros francien.

[35] C’est nous qui soulignons.

[36] Anatole France, Le Lys rouge, ibid., p.486-487.

[37] In Histoire comique.

[38] In « La Fille de Lilith ».

[39] In Balthasar.

[40] Anatole France, Le Lys rouge, ibid., p.487.

[41] Nous citons ce passage supra, II.3.3.a, p.341.

[42] Anatole France, Le Lys rouge, ibid., p.489.

[43] Anatole France, Le Lys rouge, ibid., p.560.

[44] Anatole France, Le Lys rouge, ibid., p.562.

[45] C’est nous qui soulignons.

[46] Anatole France, Le Lys rouge, idem.

[47] Ces thèmes sont opposés à ceux de la grille et de la réclusion.

[48] C’est logique, puisque Dechartre s’est détaché d’elle et qu’elle ne lui appartient plus : elle est redevenue une étrangère, une Autre, elle n’est plus l’objet que d’un Désir morne, c’est-à-dire désormais insatisfait.

[49] Anatole France, Le Lys rouge, idem.

[50] Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, Pléiade, tome I, p.218.

[51] Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, ibid., p.245.

[52] Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, ibid., p.308.

[53] Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, ibid., p.310.

[54] Cela n’est pas sans lien avec le prénom de Sylvestre Bonnard.

[55] Ce conte, repris plus tard par Maeterlinck sous forme d’une féerie théâtrale représentée pour la première fois à Moscou en 1908 et à Paris en 1911, est sans doute issu des lais de Marie de France. On en retrouve la trace dans les contes de fée de la Baronne d’Aulnoy (écrits entre 1696 et 1699.) Il s’agit d’une histoire sylvestre : les deux fils d’un bûcheron pauvre, Tyltyl et Mytyl, n’ont pour toute joie que de contempler, la veille de Noël, les lumières du palais voisin qui donne une fête somptueuse. La nuit venue, ils rêvent d’une fée qui les conduit à rechercher un fabuleux Oiseau bleu, messager du bonheur. La fée leur donne un diamant magique ayant pour propriété de voir l’âme des choses et des animaux. Après un long voyage onirique, les deux enfants s’éveillent le lendemain matin sans avoir trouvé l’Oiseau bleu. Une voisine demande alors à Tyltyl de donner son véritable oiseau à sa fillette malade. L’enfant le lui offre, mais il s’aperçoit que c’est son propre oiseau qu’il a cherché durant le long voyage ; la fillette guérit. Cet Oiseau bleu paraît représenter la vie entière de Sylvestre Bonnard. L’objet et le but final de la quête n’ont pas été ceux que Sylvestre croyait.

[56] Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, ibid., p.312.

[57] Anatole France, Le Crime de Sylvestre Bonnard, ibid., p.313. “Et maintenant, rappelez à vous votre serviteur, Seigneur.” (traduction très libre d’Anatole France lui-même, in Le Crime de Sylvestre Bonnard, ibid., p.238.) On pourrait traduire par : “Et maintenant, renonce à ton serviteur, Seigneur.

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