II.3.4) La substitution du Dieu chrétien par le pansexualisme : une gnose francienne ?

II.3.4) La substitution du Dieu chrétien par le pansexualisme : une gnose francienne ?

 

Nous naissons, nous vivons, nous mourrons au cœur d’un bourbier […] Nous vivons au cœur d’une boue de matières, de déjections, défécations, excrétions, d’un gâchis de désirs et de gestes avortés, d’une couche de soumissions démissions devenues une part de nous-mêmes.”, Jacques Lacarrière, Marie d’Egypte, Lattès, 1983, p.71-72.

Ce que nous appelons la morale n’est qu’une entreprise désespérée de nos semblables contre l’ordre universel qui est la lutte, le carnage et l’aveugle jeu de forces contraires. Elle se détruit elle-même et, plus j’y pense, plus je me persuade que l’univers est enragé. […] Sans le purgatoire et l’enfer, le Bon Dieu ne serait qu’un pauvre sire.”, Anatole France, Les Dieux ont soif, Pléiade, tome IV, p.479-480.

Il serait absurde de rechercher chez Anatole France une morale du Désir si le Bien et le Mal n’étaient pas deux valeurs étroitement mêlées, se définissant l’une l’autre et ne s’excluant pas. Ces deux valeurs sont tendues par l’arc du Désir, et donc fondées par ce même principe unificateur. Dès lors, nous devrions maintenant pouvoir facilement appréhender le Mal dans la morale francienne du Désir.

Nous pouvons pour ceci évoquer une fois de plus la gnose qui est, comme nous l’avons vu, un thème qui parcourt l’œuvre francienne de façon intense. Cependant, à l’inverse de la description de la gnose que nous avons établie plus haut[1], nous pouvons nous borner ici à ne définir que l’imaginaire gnostique spécifiquement francien, dans le but de définir le Mal dans l’œuvre francienne selon la morale du Désir. De ce fait, la gnose francienne échappe aux lieux communs littéraires inscrits au cœur de cette fin de siècle.

Nous avons vu que le Mal, dans l’imaginaire francien, est représenté par la frustration[2]. Cette frustration naît de tout obstacle au Désir, et donc de toute entrave au projet du Désir vers le logos. La frustration réduit l’existence humaine à n’évoluer que dans un univers à l’insoutenable cruauté darwinienne. Dans cette optique, de manière dialectique, il reste donc logique que l’univers lui-même soit conçu, recréé par France, comme sous-tendu par les lois du Désir. L’univers francien habité par le pansexualisme n’est pas vide de sens, à l’inverse de ce que pourrait paraître à l’homme l’univers réel.

C’est la raison pour laquelle l’univers imaginaire francien n’exclut pas le Mal – la frustration – de sa structure, mais au contraire l’inclut au cœur même de son architecture. Dès lors, l’imaginaire francien pourra lier dans sa structure les principes de la gnose et ceux du Désir, au travers d’un utopique projet de syncrétisme entre les nécessités universelles et celles purement humaines. Cependant, ce Désir, gnostique dans son essence, ne pourra non seulement pas admettre l’existence d’un Dieu comme principe de causalité. Bien plus, il concurrencera Dieu jusqu’à se substituer à lui.

Marie-Claire Bancquart met en évidence que la gnose pourrait être utilisée par Anatole France à des fins de révolte[3]. Dans un mouvement de refus très net envers tout ce qui entrave le projet du Désir, France recrée, dans son imaginaire scriptural, un univers où le Mal et le Bien coexistent dans un pansexualisme devenant indiscutable, propre à tout être humain au-delà du temps et de l’espace, et surtout au-delà des mots et de l’intellect. Ainsi, selon Marie-Claire Bancquart,

“Depuis l’affaire Dreyfus, Anatole France n’avait pas mis en scène les éléments de cette religion inversée à laquelle il se donnait, à l’époque où il se croyait destiné à une carrière poétique[4], une si large place. Le gnosticisme est une constante de sa pensée. Il y entre une intention évidente de contre-apologie. […] Détaché du romantisme qui gardait une foi en la transcendance, fût-elle inversée, France intériorise de plus en plus la figure de Lucifer. Il incarne en lui les dispositions éthiques de l’homme. […] La volupté du péché se mêle à l’exhortation au bonheur[5].”

Certes, nous ne pouvons que souscrire à la réflexion sur l’éthique francienne exposée par Marie-Claire Bancquart. Cependant, cette réflexion ne nous semble pas épuiser la problématique proposée par la morale du Désir. En effet, si Anatole France se bornait à concevoir une éthique à des fins de contre-apologie, il lui suffirait de peindre un univers en tout point inversé par rapport à la morale judéo-chrétienne. Le Bien chrétien deviendrait le Mal francien, le Mal chrétien deviendrait le Bien francien, et tout serait dit : fondre dans le péché – au sens chrétien du terme – serait la seule voie possible vers le bonheur. Anatole France serait devenu une sorte d’apôtre ironique et désespéré d’un satanisme teinté d’anarchie, ce qui évidemment est loin d’être le cas. Au contraire, Anatole France ne croit pas au diable, qui n’est chez lui qu’une allégorie de la liberté humaine[6], une figure littéraire et mythique.

Dès lors, si Dieu, chez Anatole France, est presque toujours dénoncé comme mauvais, au besoin en s’appuyant sur les thèses de la gnose qui ne font de Ialbadaoth qu’un démiurge ayant raté la Création[7], c’est vraisemblablement dans le but de prouver que tout ce qui conduit l’homme à la frustration est contre-nature. Dans une vision francienne – certes sans guère de compromis – du monde contemporain, le christianisme est souvent confondu avec ce que France rejette violemment depuis son engagement sans nuance pour réhabiliter Dreyfus. Anatole France renie tout ce qui va à l’encontre de son scepticisme, de son doute et de son refus, dont selon lui les dogmatiques se servent pour asseoir leur pouvoir[8]. Or, le Dieu des chrétiens est historiquement aux racines du pouvoir et de ce que notre auteur refuse avec fougue. Dieu est utilisé par la droite royaliste ou monarchiste – le roi a le pouvoir absolu parce qu’il représente Dieu sur Terre et régit le monde par droit divin –, par les boulangistes et ceux qui possèdent encore en France le pouvoir, qu’il s’agisse des juges, des bourgeois, du clergé ou de l’armée, la plupart du temps antidreyfusards[9].

Il est évident que cette vision du monde d’un homme de gauche n’est pas elle-même exempte de dogmatisme. Cependant, l’univers mythique développé dans L’Ile des Pingouins donne naissance à une gnose fantaisiste qui n’est pourtant qu’un refus de cette frustration entraînée par ceux qui ont le pouvoir, dans cette France de la fin du XIXe siècle. Ainsi, Dieu devient lui-même le principe du Mal, non par essence, mais surtout par impuissance. Le monde devrait se défaire des chaînes du pouvoir, pour n’être plus guidé que par le refus total de toute frustration :

“Quel spectacle, Cornemuse, nous offre la malheureuse Pingouinie ! Partout la désobéissance, l’indépendance, la liberté ! Nous voyons se lever les orgueilleux, les superbes, les hommes de révolte. Après avoir bravé les lois divines, ils se dressent contre les lois humaines, tant il est vrai que, pour être un bon citoyen, il faut être un bon chrétien. Colomban tâche à imiter Satan. De nombreux criminels suivent son funeste exemple ; ils veulent, dans leur rage, briser tous les freins, rompre tous les jougs, s’affranchir des liens les plus sacrés, échapper aux contraintes les plus salutaires. Ils frappent leur patrie pour s’en faire obéir. Mais ils succomberont sous l’animadversion, la vitupération, l’indignation, la fureur, l’exécration et l’abomination publique. Voilà l’abîme où les a menés l’athéisme, la libre pensée, le libre examen, la prétention monstrueuse de juger par eux-mêmes, d’avoir une opinion propre[10].”

Or, cette libre pensée décriée par un prêtre chrétien au dogmatisme caricatural n’est qu’une mise en abyme de la cosmogonie même de la Pingouinie. Rappelons-nous qu’au début de L’Ile des Pingouins, Maël vogue sur l’océan dans une barque en pierre, guidé par des courants étrangement orientés par le diable, dans un grand souci apostolique. Or, lorsqu’il baptise selon les dogmes chrétiens des innocents pingouins, c’est bien guidé par le diable qu’il fonde une société humaine, ce contre quoi Dieu ne peut rien. Ce discrédit du dogme chrétien par la libre pensée sous-tend la naissance de l’humanité, comme l’illustre cette sombre parodie de la Genèse. Le diable utilise les dogmes chrétiens pour créer lui-même l’humanité de la Pingouinie, qui n’est, faut-il le rappeler, qu’une France parodique dont les défauts et les aspirations sont caricaturés par Anatole France à des fins d’acerbe réflexion. C’est dire combien cette inversion, cette contreapologie dont parle Marie-Claire Bancquart, ne tire pas ses fondements d’une simple négation des dogmes judéo-chrétiens. Au contraire, Anatole France pousse cette logique du refus jusqu’au bout, et la morale qui en est issue n’est pas très encourageante. En effet, les guerres succèdent aux révoltes, les hommes sont terrorisés par leurs fantasmes et assoient leur pouvoir ou leur soumission par le subtil entretien de cette terreur, tandis que l’humanité va et vient dans un cycle sinistre d’histoire sans fin[11]. Selon Anatole France, il ne suffit pas d’un monde vu à travers le filtre de la libre pensée pour arriver à un bonheur utopique. Il ne suffit pas de reconstruire par un mythe révolté une sorte d’univers imaginaire pour que l’existence humaine acquière un sens. Il ne suffit pas d’une religion inversée, où le diable – allégorie de la libre pensée – dirige l’homme vers la liberté et où le Dieu chrétien est impuissant, pour créer un monde parfait. Bref, tuer Dieu ne sert à rien, puisque c’est l’homme seul qui possède les clefs de sa propre destinée.

Au contraire, si le monde francien est architecturé autour de la dichotomie Désir/frustration, le christianisme lui-même acquiert une valeur déplacée, bien plus complexe qu’une simple remise en cause contre-apologétique. Si le Dieu des chrétiens reste à jamais chez Anatole France ancré dans la frustration – et c’est peut-être dû à son essence panthéiste même, puisque si Dieu est tout et partout, il paraît n’être nulle part – Anatole France n’hésite pas à l’extraire du christianisme[12]. Nous allons prouver que chez notre auteur, le Désir se substitue au Dieu chrétien dans le christianisme même, et que le pansexualisme se substitue donc aisément aux religions institutionnelles dans l’univers mythique francien, jusqu’à devenir lui-même une religion du Désir à part entière. Nous allons voir également que c’est pourquoi nous pourrons parler de gnose francienne.

Notre première appréhension du christianisme mythique d’Anatole France pourrait être celle qui est présentée de manière apparamment anodine dans le petit conte « Amycus et Célestin[13] ». Ce conte, au ton léger et naïf, narre l’histoire de Célestin, un ermite[14] qui, tout enthousiasmé par la Résurrection pascale, rencontre sur le chemin de sa chapelle un faune, Amycus. Or, l’intérêt fondamental de ce conte est de faire cohabiter au sein du même univers un monde chrétien et un monde purement païen, dans tout son animisme pansexualiste. Ainsi, symboliquement, c’est Célestin qui construit une petite chapelle à l’aide des ruines d’un temple païen consacré à Vénus :

“Ils gravirent la colline où s’élevait une chapelle consacrée au vrai Dieu. Elle était petite et de structure grossière ; Célestin l’avait bâtie de ses mains avec les débris d’un temple de Vénus. A l’intérieur, la table du Seigneur se dressait, informe et nue[15].”

Dès lors, les deux mondes chrétien et pansexualiste ne s’affrontent pas, mais au contraire fusionnent dans un syncrétisme joyeux. Amycus le faune reconnaît de bonne grâce la religion chrétienne, sans guère en tirer plus de conséquence :

“Bon ermite, lui dit-il [à Célestin], ne m’exorcise pas. Ce jour est pour moi comme pour toi un jour de fête. Il ne serait pas charitable de me contrister dans le temps pascal. Si tu veux, nous cheminerons ensemble et tu verras que je ne suis pas méchant. [Célestin répond :] Faune, sois un hymne de Dieu. Dis : il est ressuscité. – Il est ressuscité, dit le faune, et tu m’en vois tout réjoui[16].”

Cependant, dans le même temps, pour célébrer Dieu et orner la chapelle, le faune apporte à Célestin une quantité de plantes au symbolisme païen :

“Bon vieillard, tu es plus savant que moi et tu vois l’invisible. Mais je connais mieux que toi les bois et les fontaines. J’apporterai au dieu des feuillages et des fleurs. Je sais les berges où le cresson entrouvre ses corymbes lilas[17], les prés où le coucou fleurit en grappes jaunes[18]. Je devine à son odeur légère le gui du pommier sauvage[19]. Déjà, une neige de fleurs couronne les buissons d’épine noire[20]. […] Ces fleurs, au dieu qui les fait naître[21] !”.

Dans cette optique, Célestin baptisera Amycus, tandis que la chapelle sera ornée de fleurs païennes célébrant les divinités animistes de la nature. L’ermite et le faune ne manqueront pas de se ressembler dans leur vieillesse : des êtres prenant l’existence comme elle vient dans le monde tel qu’il est.

Le christianisme, chez Anatole France, peut également prétendre représenter le pansexualisme en étant, en tant que mythe, l’expression du Désir, de la même façon que n’importe quel autre mythe. Certes, cette manière francienne d’appréhender le christianisme ne manque pas d’être sulfureuse. Pourtant, le but d’Anatole France n’est pas tant de choquer les chrétiens que d’accepter le christianisme avec sérénité, en l’englobant parmi les mythes qui ont forgé tellement d’imaginaires. Là encore, le scepticisme de France paraît lié plus que jamais au Désir. Dans cette voie, la subversion francienne échappe au topos littéraire de la subversion : il ne s’agit plus de concurrencer le réel par le mythe, mais plutôt de donner sens au réel par le mythe en le reconstruisant.

C’est dire également que le christianisme, ainsi mythifié par et pour le Désir, ne recèlera plus les valeurs morales qui lui sont communément admises et qui sont rejetées avec tellement de force, dans le réel, par notre auteur. Le christianisme francien, une fois paganisé, devient fortement pansexualisé. Si le capripède est sanctifié (sous le nom de saint Amic), Célestin est devenu lui-même adorateur d’Eros, presque malgré lui, en construisant sa chapelle avec les pierres d’un temple païen. Peu importe : l’un et l’autre vivent heureux. D’ailleurs, dans « Amycus et Célestin », l’œuf pascal qui, selon Mircea Eliade, est le symbole de la création périodique, d’une renaissance répétée dans un cycle[22], devient sous la plume d’Anatole France le symbole de la fécondité, omniprésent dans la nature, rappelant toujours au monde la présence panthéiste d’Eros. L’univers est orienté par le Désir pour le Désir.

Le pansexualisme offre également une clef de lecture à la courte nouvelle « Scolastica[23] ». Dans celle-ci, le christianisme recèle autant le Désir que la frustration, et va être encore une fois dépassé et habité par le pansexualisme. La foi chrétienne est d’ailleurs dépeinte de manière volontairement ambiguë ; elle représente le Désir insurmontable, infranchissable, ou disons, selon l’expression de Maxime le Confesseur et de Nicolas Cabasilas qui plaisait tant à André Breton, l’ « Amour fou. » Scolastica[24] se meurt en effet d’amour pour le Christ – ce qui met en jeu là encore une mythification francienne fondamentale du christianisme – et, le jour de son mariage avec Injuriosus[25], elle lui fait promettre de rester chaste pour ne pas entraver son Désir envers Dieu :

“Quand je pleurerais tous les jours de ma vie, dit-elle, je n’aurai pas assez de larmes pour répandre la douleur immense qui emplit mon cœur. J’avais résolu de garder toute pure cette faible chair et d’offrir ma virginité à Jésus-Christ. Malheur à moi, qui a tellement abandonnée [sic] que je ne puis accomplir ce que je désirais ! Ô jour que je n’aurais jamais dû voir ! Voici que, divorcée d’avec l’Epoux céleste qui me promettait le Paradis pour dot, je suis devenue l’épouse d’un homme mortel, et que cette tête qui devait être couronnée de roses immortelles est ornée ou plutôt flétrie de ces roses déjà effeuillées ; hélas ! ce corps, qui, sur le quadruple fleuve de l’agneau, devait revêtir l’étole de pureté, porte comme un vil fardeau le voile nuptial[26].”

La frustration de Scolastica est ambivalente : elle Désire Jésus, qui devient par là même une figure fortement sexualisée ; cependant, et c’est là le paradoxe souvent mis en relief par Anatole France à propos du christianisme, ce Désir ne peut en aucun cas être consommé, puisque le Christ est d’essence divine. Dans ce sens, il rejoint l’univers du mythe. Or, cette matière non corporelle ne peut non plus être en adéquation avec la réalité charnelle de Scolastica. Ainsi, cet Amour fou pour le Christ n’est voué qu’à la perte et à la souffrance, par la frustration inévitable d’un Désir toujours plus puissant voué à l’échec. Le problème est qu’Injuriosus succombe au chantage affectif que lui fait subir sa femme Scolastica, et dans ce même temps, se place au côté de la frustration ; dans la morale du Désir, il se met donc du côté du Mal – comme l’explique son nom :

“Ô douces et claires paroles ! La lumière de la vie éternelle brille à mes yeux ! Scolastica, si tu veux tenir ce que tu as promis, je resterai chaste auprès de toi. […] Je ferai ce que tu désires[27].”

Dans cette voie chaste, dix longues années passent et Scolastica, toujours vierge, finit par mourir. Pourtant, Anatole France ne la fait pas monter au Paradis chrétien tellement espéré, qui représente pour Scolastica une sorte d’union éternelle avec Celui qu’elle désire. Au contraire, tandis qu’Injuriosus se vante de n’avoir jamais succombé à la tentation tout en ayant beaucoup prié le Christ – cette hubris est fort coupable, surtout pour un chrétien –, la défunte Scolastica se dresse de son catafalque et murmure : “Mon ami, pourquoi dis-tu ce qu’on ne te demande pas ?[28].” Est-ce à dire que Scolastica, une fois morte, est en proie à la honte et au regret ? Peut-être bien, et de toute manière, il ne peut en être autrement dans un univers pansexualiste où justement la frustration l’a emporté à jamais sur le Désir. Ce dernier n’existe que le temps d’une vie. Après, il est trop tard. Cependant, le Désir est décrit par Anatole France comme plus puissant que la mort, comme s’il imprégnait de façon animiste le cœur de l’univers, et comme s’il était principe de causalité et de destinée du Tout. Il remplace en l’occurrence le Christ et le Dieu chrétien. Lorsque Injuriosus meurt quelque temps après, il est enterré à côté du tombeau de sa femme.

“La première nuit qu’il y reposa, un rosier miraculeux, sorti du cercueil de l’épouse virginale, enlaça les deux tombes de ses bras fleuris. Et le lendemain, le peuple vit qu’elles étaient liées l’une à l’autre par des chaînes de roses[29].”

Le Désir ignore donc la morale chrétienne pour instaurer une autre échelle de valeurs. Seule l’empreinte du Désir sur le monde est la plus forte et dépasse le temps et la mort, même si le Désir reste en essence intimement lié aux deux – la preuve. La morale de cette nouvelle est pour Anatole France bien simple : “Nunc piget ; et quaeris, quod non aut ista voluntas / Tunc fuit…[…] Stringamus maesti carminis obsequio[30].” En d’autres termes : “Maintenant est venu le temps du chagrin ; et tu cherches du moins ceci même qu’alors tu ne désirais pas. Achevons dès lors la triste complaisance de ces vers[31].” Comme toujours, le Désir francien s’entend dans une acception épicurienne proche du carpe diem d’Horace. Mais de plus, une fois encore, le pansexualisme triomphe du christianisme, comme Scolastica et Injuriosus l’apprennent à leurs dépens.

Nier ce principe fondamental revient à nier sa propre existence. Ce n’est là rien d’autre qu’une mise en abyme allégorique de ce principe pansexualiste qu’Anatole France nous propose encore dans « Le Réséda du curé[32] ». Il s’agit d’un curé refusant avec âpreté toute volupté, toute sensualité, ayant renoncé avec un esprit de sacrifice sans faille à tout plaisir terrestre. Passant sa vie à cultiver des plantes médicinales, il renie toutes les fleurs trop belles. Or, peut-on concevoir un monde imperméable et hermétique qui ne soit pas architecturé par la dyade Désir/frustration ? Anatole France prétend que même ce curé désincarné, refusant sa réalité charnelle dans une ascèse des plus solides, va bel et bien succomber au Désir, tout simplement parce qu’en existant, il ne peut faire autrement :

“Il se permettait seulement l’innocente vanité de quelques pieds de réséda[33], dont la tige tortueuse, si humblement fleurie, n’attirait point son regard quand il lisait son bréviaire entre ses carrés de choux, sous le ciel du bon Dieu. Le saint homme se défiait si peu de son réséda que, bien souvent, en passant, il en cueillait un brin et le respirait longtemps[34].”

Or, justement, ce réséda incarne le Désir du curé dans un univers pansexualiste. Le réséda devient tellement envahissant qu’il finit par détourner le bon prêtre de sa quête spirituelle, pour devenir son unique obsession : Dieu est vite remplacé par le réséda, l’univers entier par cette petite plante.

“Ce saint respirait maintenant l’odeur du réséda avec sensualité et concupiscence, c’est-à-dire avec ce mauvais instinct qui nous fait désirer la jouissance des biens sensibles et nous induit en toutes sortes de tentations. Il goûtait dès lors avec moins d’ardeur les odeurs du ciel et les parfums de Marie ; sa sainteté en était diminuée, et il serait peut-être tombé dans la mollesse, son âme serait devenue peu à peu semblable à ces âmes tièdes que le ciel vomit, sans un secours qui lui vint à point[35].”

Cette aide arrive sous la figure d’une poule blanche, qui tue le réséda en grattant la terre à son pied, et grâce à laquelle le saint homme peut revenir dans le droit chemin. Cette poule est confondue ironiquement par Anatole France avec l’ange qui sauva l’ermite dans le désert en lui ôtant sa coupe d’or, le seul bien qu’il possédait avec une vanité coupable. L’histoire ne dit pas si cet ermite mourut de soif ou non…

D’un point de vue allégorique, le réséda a offert au curé le sens même de son existence : il sait maintenant ce qu’est le péché et peut donc reprendre une voie spirituelle nouvelle en prenant en compte l’existence de sa réalité charnelle. Maintenant qu’il a joui, il peut exister. N’est-ce pas là une insertion du pansexualisme qui se niche, à travers son essence immanente et animiste, absolument partout, comme s’il constituait l’univers en son entier, – les hommes y compris – comme s’il s’était irrémédiablement substitué à Dieu ?

Jésus lui-même est devenu, sous la plume d’Anatole France, une figure de ce pansexualisme. Dans « Le Procurateur de Judée », Pilate décrit avec avidité l’une de ces femmes mythiques à la beauté sans égale, qui a rejoint le Christ comme si ce dernier l’avait phagocytée :

“Elles dansent avec tant de langueur, les femmes de Syrie ! J’ai connu une Juive de Jérusalem qui, dans un bouge, à la lueur d’une petite lampe fumeuse, sur un méchant tapis, dansait en élevant ses bras pour choquer ses cymbales. […] Elle aurait fait pâlir Cléopâtre elle-même. […] Je la suivais partout. Je me mêlais au monde vil de soldats, de bateleurs et de publicains dont elle était entourée. Elle disparut un jour, et je ne la revis plus. […] Après quelques mois que je l’avais perdue, j’appris, par hasard, qu’elle s’était jointe à une petite troupe d’hommes et de femmes qui suivaient un jeune thaumaturge galiléen. Il se faisait appeler Jésus le Nazaréen, et il fut mis en croix pour je ne sais quel crime[36].”

Nous pouvons penser que cette réécriture du christianisme, parsemée de gnose et d’histoire mythique des premiers siècles, n’est guère issue d’une haine de notre auteur contre Dieu ou la religion. Certes, il ne cessera de combattre pour une séparation de l’Eglise et de l’Etat aux côtés de Jules Guesde, mais sa hargne est vraisemblablement due à un refus de toute propension au pouvoir autoritaire à l’encontre de la démocratie républicaine. Dans l’univers scriptural francien, le christianisme paraît dilué dans un pansexualisme plus large, qui se substitue à lui dans un mouvement syncrétique et mythique.

Par conséquent, le Désir devient à l’instar d’une nouvelle religion, une religion naturelle et surtout sans dogme qui s’impose à l’homme à travers le pansexualisme, immanent par essence. Cette religion du Désir connaît différents avatars, que ce soit les cultes païens d’Eros, d’Hélène ou de Vénus, ou le principe d’attirance envers des femmes transcendantes qui, toujours sous des masques différents, sont en fait une seule et même femme représentant le principe féminoïde du monde. Dans ce système francien, le Christ lui-même est fortement sexualisé et participe de l’architecture de cet univers pansexualiste. Cependant, le dogme de la religion du Désir réside exclusivement dans notre existence humaine, et il revient seulement à affirmer et à assumer cette existence dans toute sa plénitude. Mais est-ce encore un dogme ? Pour Anatole France, avoir une existence humaine, c’est croire au Désir. C’est même ne vivre que par et pour lui. C’est dans cette perspective qu’on peut désigner le Désir francien comme étant au fondement de l’humanisme de notre auteur[37].

D’une telle architecture naît un système de valeurs morales différent de celui qui a cours dans la France contemporaine d’Anatole France, historiquement structuré par une morale judéo-chrétienne. Au contraire, dans l’univers mythique francien, le Bien est coextensif du Désir, et le Mal de la frustration. Ainsi, il semble bien que nous puissions désormais parler de gnose francienne. Cette connaissance des principes universels – du logos – serait tendue par l’assomption du Désir, et par l’acceptation de la morale qui en découle. Dès lors, la connaissance de ce noûs deviendrait une question de survie, car le héros francien n’est réalisé que lorsqu’il consomme son Désir. Mais de plus, ce trajet vers l’acceptation du Désir ne serait possible que dans la reconnaissance de ce principe pansexualiste, qui pour l’homme ne peut en rien être négligé ou pis, nié. Comme substance même du monde, le Désir n’a pas de dieu créateur – sinon l’écrivain lui-même, qui a une fonction scripturale démiurgique, comme nous l’avons déjà évoqué par ailleurs, ce qui prend dans ce sens particulier un nouveau relief. Le Désir peut donc être confondu avec la Parole de l’écrivain. Le Verbe francien est l’effectuation la plus profonde du Désir, il est la source même de cet univers pansexualiste, et il donne un sens à l’existence non seulement des héros franciens, mais aussi de l’écrivain même.

Nous pouvons donc dire que le Verbe francien et que le Désir se superposent intimement pour donner existence à cet univers mythique et littéraire fondé par le pansexualisme : la littérature francienne est donc finalement un champ expérimental du Désir, où celui-ci architecture l’imaginaire mythique de l’écrivain. Mais aussi, d’un point de vue plus vaste, la parole francienne dépasse l’univers réel qui nous ignore et nous accable, pour rendre à l’écrivain l’honorable possibilité d’une partance vers un ailleurs, vers le logos[38]. C’est dire combien le texte francien se rapporte à une gnose, c’est-à-dire à la recherche d’une trajectoire de connaissance salvatrice vers le sens caché du monde. Comme toute gnose, le texte francien recèle bien un aspect hérétique ou scandaleux, puisqu’il se sépare très nettement des appréhensions communes que tout un chacun peut avoir du monde à travers ses préjugés et de ses croyances que France juge coupables.

Toutefois, pour être honnête, nous avons également remarqué que le système pansexualiste d’Anatole France, pour aussi novateur qu’il soit, n’échappe pas aux topoï littéraires. Comme tel, notre auteur est fermement ancré dans son époque, et ses textes sont imprégnés d’une esthétique qui ne déroge guère aux « manies » de la fin du siècle. Ces manies ou ces modes sont issues du romantisme, du Parnasse ou du décadentisme. Les thèmes utilisés pour mettre en écriture le système du Désir sont eux-mêmes à cet égard symptomatiques. Anatole France se reconnaît lui-même – par provocation, peut-être un peu aussi – comme un plagiaire. Cela n’empêche pas Anatole France de réinvestir cet héritage du siècle dans une perspective qui lui est propre. Peut-être sommes-nous devant l’un des paradoxes franciens les plus épineux.

Notre auteur paraît en effet osciller sans cesse entre classicisme et originalité, mêlant clichés du siècle littéraire et invention. Sans conteste, le trajet poursuivi a choisi d’emprunter un axe médian. La forme classique que lui reprocheront entre autre les surréalistes paraît « enrober » ou porter des idées et des thèmes qui, point par point, se détachent pourtant d’un enracinement dans le siècle pour fonder une structure de pensée originale et cohérente. Ne sommes-nous pas ici dans la meilleure expression de ce que Michel Schneider désigne, dans Voleurs de mots, comme une « écriture palimpseste » ?

Il reste à envisager la raison pour laquelle Anatole France choisit cet axe médian, et pourquoi il refuse de transgresser ce classicisme qui lui est cher alors que sa vision du monde réfute systématiquement le confort des habitudes[39]. Est-il fondé de penser que l’Anatole France prosateur transgresse par son manque d’audace l’Anatole France penseur ?

Nous retrouvons sans doute l’héritage de darwin dans cette manière classique d’appréhender le style et les thèmes mis en œuvre. Dans une perspective d’inertie darwinienne, est-il raisonnable de vouloir ébranler les consciences en les rebutant par un style et des thèmes par trop scandaleux ou novateurs ? La déception occasionnée par les suites de l’affaire Dreyfus prouve que non[40]. Cependant, Anatole France demeure un auteur engagé, luttant pour que ses idées soient au moins écoutées, et si possible appliquées. La pugnacité de ses combats le prouve. Simplement, souvenons-nous que ses nombreuses actions ne firent pas couler la moindre goutte de sang. C’est dans la sérénité qu’on pousse les consciences à évoluer. Voulant atteindre le plus grand nombre de lecteurs possible, Anatole France n’écrirait pas autrement : son classicisme formel n’est-il pas une manière de camoufler de façon rassurante la subversion du Désir ? Est-il au contraire le fruit d’une aspiration esthétique un tant soit peu réactionnaire, qui pousserait notre auteur à s’écarter avec méfiance d’une écriture par trop révolutionnaire dans une perspective darwinienne engendrant le refus de la nouveauté et toute prise de risque stylistique ou thématique ?

Pour notre part, différents indices orienteraient notre préférence vers la première hypothèse, nuancée pourtant par les goûts littéraires de notre auteur[41]. Que penser en effet d’un Anatole France qui, dès 1894, proclame :

“ Tout ce qui ne vaut que par la nouveauté du tour et par un certain goût d’art vieillit vite. La mode artiste passe comme les autres modes. Il en est des phrases affectées et qui veulent être neuves comme des robes qui sortent de chez les grands couturiers : elles ne durent qu’une saison. A Rome, au déclin de l’art, les statues des impératrices étaient coiffées à la dernière mode. Ces coiffures devenaient bientôt ridicules ; il falait les changer et on mettait aux statues des perruques de marbre. Il conviendrait qu’un style peigné comme ces statues fût repeigné tous les ans. […] La seule difficulté est de définir la forme simple, et il faut convenir que cette difficulté est grande. […] Le style simple est semblable à la clarté blanche[42]. Il est complexe mais il n’y paraît pas[43].”

Peut-être doit-on alors penser que le classicisme francien participe davantage d’un art du camouflage[44] – c’est dans une certaine mesure le fondement du palimpseste – que d’une esthétique réactionnaire. Cette écriture du Désir serait alors sereinement subversive, tout simplement, et assumerait son classicisme comme une tranquille nécessité. Elle serait l’arme calme du scandale et de la révolte divulguée sans heurt mais en profondeur. L’écriture du Désir ne trouve-t-elle pas toute sa puissance dans ce qu’elle dit plutôt que dans ce qu’elle est ?

Nous laissons évidemment au lecteur le soin d’en juger.

 


[1] Voir infra, I.2.1.b, p.139, et I.2.1.c, p.143.

[2] Voir infra, II.3.3, p.335.

[3] Voir supra, III.1.2, p.404.

[4] Marie-Claire Bancquart fait allusion au poème « La Fille de Caïn » in Les Poèmes dorés, p.66 et sqq.

[5] Marie-Claire Bancquart, Pléiade, tome IV, p.XLIII-XLV.

[6] Voir supra, II.3.2, p.320.

[7] C’est là l’argument de départ de La Révolte des anges.

[8]Il faut être prêtre ou soldat pour ne pas connaître les angoisses du doute”, Anatole France, Les Pensées, ibid., p.106.

[9] Cette méfiance envers le christianisme et le Dieu des chrétiens émerge de manière explicite à partir de la querelle du Disciple de Paul Bourget. Ce refus semble motiver pour une grande part l’engagement d’Anatole France dans la chose publique. Voir Marie-Claire Bancquart, Anatole France, un sceptique passionné, ibid.

[10] Anatole France, L’Ile des Pingouins, ibid., p.161-162.

[11] Voir supra, I.2.4, p.183.

[12] Cette manière de voir les choses ne peut qu’évoquer la doctrine du Libre-Esprit, courant qui, du XIIIe au XVIe siècles, postule une unité entre le monde et l’homme telle que Dieu s’incarne en celui-ci de telle manière que chacun peut s’affranchir de toute obédience et de toute terreur, afin de donner libre cours à ses désirs. On appelle aussi le Libre-Esprit, « panthéisme populaire ». Il n’est pas de notre objet de développer ici cette doctrine. Voir R. Vaneigem, Le Mouvement du Libre-Esprit, Ramsay, Paris, 1986. Cependant, nous ne sommes pas parvenu à savoir si Anatole France connaissait la thèse de A. Jundt parue en 1875 à Paris sous le titre Histoire du panthéisme populaire au Moyen Âge et au XVIe siècle, qui aurait pu contribuer, même dans une modeste part, à l’acception francienne d’un christianisme paganisé par le Désir. Cela n’est pas évident et il est certain que le Renan de La Vie de Jésus (1863) est pour Anatole France une référence bien plus certaine.

[13] Voir Anatole France, « Amycus et Célestin », L’Etui de nacre, Pléiade, tome I, p.891-895. Ce conte paraît dans Le Temps du 6 avril 1890, sous le titre « Amycus et Célestin / Conte philosophique pour le jour de Pâques ».

[14] Les célestins sont les membres d’un ordre d’ermites fondé par saint Damien ; l’un d’eux, le bénédictin Pierre de Morrone (canonisé en 1313), devient le pape Célestin V en 1294. C’est également le seul pape de l’histoire de la papauté à avoir démissionné, le 13 décembre 1294, en reconnaissant son inexpérience qui faisait le jeu du roi de Naples Charles II.

[15] Anatole France, idem, p.894.

[16] Anatole France, idem, p.893.

[17] Au premier siècle de notre ère, Dioscoride Pedanius le botaniste prétendit que le cresson était aphrodisiaque.

[18] La primevère officinale est connue pour son rôle dans la médecine ancienne, contre la possession (on l’appelait alors « herbe de Saint Pierre ».

[19] Le gui est l’herbe druidique par excellence. Pline l’Ancien nous parle de cette plante : les Gaulois l’appellent “le gui d’un nom qui signifie celui qui guérit tout. Après avoir préparé un sacrifice au pied de l’arbre, on amène deux taureaux blancs dont les cornes sont liées pour la première fois. Vêtu d’une robe blanche, le prêtre monte à l’arbre, coupe avec une faucille d’or le gui qui est recueilli dans un linge blanc. Ils immolent alors les victimes en priant la divinité de rendre ce sacrifice profitable à ceux pour qui il est offert. Ils croient que le gui, pris en boisson, donne la fécondité aux animaux stériles et constitue un remède contre tous les poisons.”, Pline, Histoire naturelle, éd. A. Ernout, Paris, 1947, 16, 249.

[20] L’aubépine évoque la symbolique de la couronne d’épines du Christ, célébrant le mariage du Ciel et de la Terre Vierge, anneau de mariage entre Ciel et Terre pouvant toujours être fécondée. Dans la Bible, on désigne en effet la terre non encore cultivée terre des épines. De la même façon, l’épine représente la virginité.

[21] Anatole France, idem, p.894.

[22] Voir M. Eliade, Traité d’histoire des religions, Paris, 1949, p. 347-348.

[23] Voir Anatole France, « Scolastica », L’Etui de nacre, Pléiade, tome I, p.914-917. Cette nouvelle paraît dans une chronique de La Vie littéraire, Le Temps, 8 décembre 1889.

[24] Ce nom est à prendre dans un sens ironique : Scolastica est en effet une femme qui permet à Anatole France une démonstration par l’absurde de l’aberration représentée par la chasteté. Ce thème est habituel chez Anatole France, que ce soit dans La Rôtisserie de la reine Pédauque ou dans Thaïs, notamment.

[25] Injuriosus désigne, en latin, ce qui est plein d’injustice, voire ce qui est nuisible et funeste.

[26] Anatole France, « Scolastica », L’Etui de nacre, Pléiade, tome I, p. 914-915.

[27] Anatole France, idem, p.915.

[28] Anatole France, idem, p.916.

[29] Anatole France, idem, p.916.

[30] Anatole France, idem, p.917.

[31] C’est nous qui traduisons.

[32] Voir « Le Réséda du curé », Balthasar, Pléiade, tome I, p.601-602. Ce conte très court paraît dans Le Temps du 6 mai 1886, dans un article intitulé « La Vie à Paris », consacré à l’agriculture (!).

[33] Le réséda, appelé aussi gaude, n’a d’autre propriété que d’émettre un parfum suave et envoûtant.

[34] Anatole France, « Le Réséda du curé », Balthasar, Pléiade, tome I, p.601.

[35] Anatole France, idem, p.602.

[36] Anatole France, « Le Procurateur de Judée », L’Etui de nacre, Pléiade, tome I, p. 889-890.

[37] Nous pourrions même dire, sans mauvais jeu de mots, que le Désir francien est à la source d’une religion humaniste, ou encore d’un humanisme mystique. Ce n’est pas là le moindre de ses paradoxes. Dieu est effectivement, dans la pensée francienne, remplacé par l’homme, comme dans tout humanisme. Pourtant, loin d’être cartésien ou laïque, cet humanisme est tendu vers une foi inébranlable dans le Désir. C’est là toute son originalité.

[38] Voir supra, I.3.3, p.232.

[39] Voir infra, III.3.3, p.488.

[40] Cela expliquerait peut-être la méfiance d’Anatole France à l’encontre d’un Mallarmé, l’auteur d’Un Coup de dés jamais n’abolira le hasard ou d’Hérodiade. Cette voie francienne est certes opposée aux déstructurations de la langue que mettront en œuvre Baise Cendrars et Apollinaire, et qui entraîneront les nouveaux courants littéraires du présurréalisme.

[41] Voir les jugements esthétiques de France recueillis dans Vie littéraire.

[42] Le thème de la vérité blanche est centrale chez Anatole France. Voir supra, I.1.4.b, p.109.

[43] Anatole France, Le Jardin d’Epicure, p.81-83.

[44] Cette tradition est issue des écrivains du IInd Empire.

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