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L’Equation

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Entre thriller métaphysique et roman de mœurs, L’Équation vous emmène au cœur d’un Québec qui n’est pas vraiment celui des cartes postales. Klara Virga, du haut de ses vingt printemps et de son mètre quatre-vingts, est étudiante en lettres. Ses parents, riches à millions, ont provoqué chez elle un dégoût profond de l’humanité. Décidée un beau matin à tout plaquer pour devenir mannequin, elle se lance dans l’aventure avec toute la rage de sa naïveté pour participer à un casting prometteur. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, elle rencontre aussi l’homme de sa vie, un petit génie des sciences de la matière. Mais ce qu’elle ignore, c’est qu’elle va croiser le chemin d’un complot sans doute mondial… et que ses plus grands protecteurs ne sont pas ceux que l’on croit.

Avec Klara, venez goûter aux ivresses du pouvoir et de la célébrité. Utilisez votre fibre sociale pour vous faire une vie de rêve, dans l’étrange épanouissement du don à l’autre. Et découvrez l’épouvantable envers du décor. L’Équation, c’est un faux roman d’amour qui rime hélas avec toujours…


  • PDF format A5 – 242 pages – Roman intégral
  • Disponible en téléchargement immédiat
  • Autoédition ‘PluMe d’EscaMpette’
  • ISBN : 979-10-95371-01-4

 

UGS : RLEQ. Catégorie : . Étiquette : .
Description

Découvrez le premier chapitre de L’Équation

Klara regarda dehors avec lenteur, pour détailler le monde. Elle jouait avec sa bague d’ambre. Le campus était immense. Ses bâtiments de brique étaient presque noirs sous le ciel de schiste. Il était très tôt. Le monde avait cessé de bouger tellement il était tôt. Dans l’amphithéâtre en pente cuisant sous les flots laiteux des néons grésillant, l’univers était pratiquement vide. Une dizaine d’étudiants, pas plus. Tous ces inconnus venaient chercher là leur pain bénit.

Au fond de la cuvette, le professeur, minuscule, s’apprêtait à commencer son cours. Le dernier auquel Klara assisterait.

Plus de limite. Il faut commencer dès maintenant. Jamais plus je ne chierai sur le monde. Parce que désormais, le monde m’appartient. Dieu en est témoin. J’ai jeté Pierre-Jean Jouve et sa poésie de l’excrément aux orties. Dommage… Je l’aimais bien…

Klara était enserrée dans l’étau universitaire pour l’ultime fois. Par nostalgie… Elle voulait s’imprégner de cette ambiance, de ces vieux bancs crasseux noircis par le frottement des fonds de culotte. Cet après-midi, elle ne serait plus étudiante.

Comme l’univers était sale, en cet instant…

Dans l’air flottait une odeur corporelle saturée, presque fruitée, une mélasse d’excrétions. Les strates de ces générations d’étudiants laissaient derrière elles des monticules invisibles de traces. L’opale froide et sombre du dehors absorbait par les baies vitrées la clarté entêtante des tubes luminescents. L’univers était figé sous une lumière trouble. Les murs tendus de toile aspiraient le moindre choc, comme des buvards spongieux. Le plafond blanchâtre, en écailles plâtreuses, s’écrasait contre la pente de l’amphithéâtre, transformant les rares étudiants en purée d’auréoles. La lumière était tellement opaque qu’elle rayonnait comme une brume criarde.

La voix de stentor amplifiée de Marcus Nilmer, professeur docteur et agrégé, fit trembler le cosmos. Il lut un passage d’À Rebours de Huysmans. Sa voix rocailleuse prononçait chaque syllabe, chaque unité de sens, comme si son âme était sculptée par le texte que ses yeux parcouraient lentement. Klara pouvait deviner le froissement de ses doigts contre la texture des pages en papier grossier qu’il triturait fiévreusement. Une vieille édition jaunie lue et relue, un livre devenu un vieil ami… La passion chantournait les mots d’une intonation suave laissant précisément entrevoir la signification profonde et malsaine du récit.

Ce type fait l’amour avec le texte. Il n’y a pas d’autre possibilité. Je l’admire. Mais les entraves sont trop grandes. Jamais je n’arriverai à ce point d’osmose. Mes parents sont des geôliers ignorants et grossiers. C’est à eux que je dois mon insensibilité.

Elle pensa aux sens cachés de l’univers et à ses vices tellement évidents, à la beauté du Mal qui enchâssait chacune des paroles de Huysmans disséquées par la voix de Nilmer. Sous le souffle languide des rythmes scandés, elle s’abandonna pour se glisser au cœur du gouffre habilement sculpté par le texte.

Les orchidées lui apparurent en bondissant à l’œil comme des vipères raidies par le ton profond du professeur. Ce dernier possédait le texte comme un esprit malfaisant terrasse un Gentil. Les plantes malsaines envahirent l’espace de l’amphithéâtre, vrillées et déformées. Leur corolle aveugla la baie vitrée et aspira la lumière. Klara se sentit happée par les gueules empoisonnées des inflorescences dentées qui griffaient sa peau, dans la boue des odeurs rectales.

Nilmer continuait de ponctuer sa lecture d’assonances expertes s’insinuant au cœur des nerfs de Klara. Les orchidées se changeaient en vulves béantes, rongées par le chancre d’une ma11
ladie profonde, éreintant le monde de vérole phosphorescente.

Klara ne pouvait détourner son regard de Nilmer. Il disparut absorbé par les eaux lourdes de la pourriture âcre des fleurs qui se décomposaient sous la plume de Huysmans. Le cône verdâtre d’une orchidée happa Klara dans une vertigineuse succion et se métamorphosa en vagin suintant. Il enserra le corps de la jeune fille et suça son air dans un néant fétide qui la paralysa.

On continuait la lecture du psaume aride et éreintant. Le sexe ouvert tenaillait le crâne de Klara et crachait son venin contre ses tempes, aspirait ses poumons dans des caresses racleuses, entamant un lent mouvement de va-et-vient.

Klara, chancelante, sentit une douleur atroce dans son ventre, comme des mâchoires d’acier qui se refermèrent impitoyablement sur ses entrailles triturées. Elle se leva, proche de l’évanouissement. Le professeur regarda dans sa direction d’un air bovin et poursuivit sa lecture.

Elle réussit à monter les quelques marches qui la séparaient de la sortie et se retrouva dehors en titubant. Le froid lui ôta instantanément toute sensation. Elle flotta dans un vide aqueux qui épingla chaque cellule de sa peau. Elle trouva un banc de bois sous la pénombre d’un sapin et attendit de longues minutes que son malaise passât. Son esprit était comme une brèche. Une seule image revenait sans cesse, celle d’une vrille fouillant son ventre. Klara était une cavité ouverte sur le rien. Ses yeux ne parvenaient plus à accrocher la moindre image. Elle se sentit s’enfoncer comme une fêlure se remplissant sous l’effet d’un fleuve glacé qui déborde.

Elle crut mourir.

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